C'est dans un meme mouvement que le XIXe siecle occidental proclame la souverainete populaire et donne naissance a une veritable instruction publique. Parce qu'elle exige une citoyennete eclairee - qu'elle presuppose et reclame les lumieres -, la democratie devient ainsi l'institutrice du peuple. Elle fait de l'instruction, condition de la liberte et de l'egalite, un droit et un devoir du nouveau citoyen-souverain.
Pourquoi cette exigence implique-t-elle l'edification d'un service public d'enseignement? Quels sont, a Geneve, les enjeux culturels, politiques, religieux, sociaux, economiques, pedagogiques d'une telle mutation? Quelles sont les conditions d'emergence de l'Etat enseignant, les potentialites de son developpement, mais aussi les contradictions et les limites de son expansion?
Revetues d'une nouvelle actualite en cette fin de XXe siecle desenchante, qui interroge volontiers l'importance et le role social de l'Etat, ces questions sont a l'origine du present ouvrage qui retrace la dynamique de cette mutation a Geneve. Jusqu'au debut du XIXe siecle, l'ecole est abandonnee aux initiatives particulieres et ajustee sur les divisions sociales, politiques et confessionnelles; avec l'intervention de l'Etat, les principes de gratuite, de laicite et d'obligation fondent, en moins de quelques decennies, l'ecole de la democratie. L'universalite de l'instruction, desormais garantie par la loi, deviendra-t-elle pour autant une realite?"

"Une ecole pour la democratie" retrace la naissance et les premiers developpements de l'instruction publique en Suisse ainsi que la mise en oeuvre de ses principes fondateurs (gratuite, laicite et obligation). Les enjeux politiques, socio-economiques, religieux, culturels et pedagogiques de ce processus de -democratisation- de l'ecole primaire et d'edification de l'Etat enseignant y sont etudies sur la base de sources originales et variees.
Plusieurs questions, qui restent aujourd'hui cruciales, constituent les fils conducteurs de l'ouvrage: le financement de l'ecole publique, les tensions entre federalisme et centralisme, la dynamique intercantonale, la construction du lien social et de la citoyennete, les conditions necessaires a l'-universalisation- de l'acces au savoir, l'integration de tous dans le tissu social, par dela les differences de religion, de culture, de conditions sociales et de convictions politiques.
Trois niveaux d'analyse complementaires sont proposes: des monographies cantonales, des comparaisons intercantonales doublees d'etudes de la politique scolaire de la Confederation et, enfin, des mises en perspectives comparatives entre la Suisse, l'Allemagne, la France et l'Italie.
Cette publication s'adresse a toute personne desireuse de connaitre les fondements de l'ecole publique en Suisse: etudiants, enseignants, chercheurs en sciences sociales et en histoire, parents d'eleves et acteurs politiques."